USAGE DE LA LANGUE

par Bruno Paternot
La langue est une arme puissante.La pratique de la langue est forcément politique

Dans le zizi des mots, Élisabeth Brami montre et démontre que dans notre vocabulaire, si le substantif masculin représente un être, le féminin décrit une chose. Un cuisinier est un homme, une cuisinière est une femme. Un charentais est un homme, une Charentaise est une chose....
... Un portier / une portière, un veilleur / une veilleuse... si les mots représentent notre vision du monde et si nous utilisons le langage tel qu'il est, alors nous acceptons que les hommes sont des hommes... et que les femmes sont des choses. Normal, puisque le masculin l'emporte sur le féminin. Ou alors.
Ou alors nous sommes écologistes. C'est à dire que nous avons une vision du monde inouï, qui n'a jamais été entendue et qui se construit au quotidien, dans la fluidité et dans l'invention. Et toujours dans la joie.
Il faut changer radicalement le monde : sobriété, biodiversité, résilience... si l'écologie politique change le monde, alors il doit changer sa façon de le raconter.
Ré-inventons sans cesse notre langue
Nous avons inventé beaucoup de mots, notamment écologie qui est assez récent (1866). Du terme écocide (1947) à la réutilisation des termes routiers de "fermeture-éclair" ou "d'autoroute à vélo" nous avons inventé des termes et des concepts.
Si l'écologie politique c'est trois priorités : l'environnement, la démocratie et l'égalité, alors inventons notre langue aussi pour parler de démocratie ("à l'australienne", "jugement majoritaire" etc) et d'égalité. Que tout notre spectre d'idées et de propositions soit à l'image de nos envies et que notre discours puisse dire le monde. Tout le monde.
Une langue inclusive donc non genrée
L'étape d'après sera certainement d'interpeller les humains, sans s'adresser à leurs gonades, à leurs organes reproductifs. La grammaire du français non-genrée existe (c'est C'est an grammairian écologiste qui l'a inventé, ça vous étonne ?) Et vous pouvez l'utiliser. Ou, pour le moins, employer un langage inclusif et inclusive, qui n'exclut pas, qui parle de tout le monde.
Et vous pouvez l'utiliser. Ou, pour le moins, employer un langage inclusif, qui n'exclut pas, qui parle de tout le monde, par tout le monde, pour tout le monde. Oui, c’est une gymnastique intellectuelle, oui ça demande un apprentissage, oui c’est un effort.
Nous avons plusieurs possibilités pour refuser un langage sexiste :
- utiliser une langue doublement genrée (ex : "auteurs et autrices", on entend à la fois le féminin et le masculin) ;
- utiliser une langue neutre ("autaires" : on ne s'intéresse pas au sexe des gens).
- Faire des néologismes ("auteurices" comporte à la fois les hommes et les femmes)
- Employer des périphrases ("les gens qui écrivent", quel que soit leur sexe ou leur genre)
- Choisir des termes épicènes, qui sont à la fois masculin et féminin (les "poètes")
- s’essayer au point d’altérité, signe de ponctuation spécifique à l’égalité (les "auteur·ices")