USAGE DE LA LANGUE

par Bruno Paternot
La langue est une arme puissante.La pratique de la langue est forcément politique

Il y a deux façons de vivre ce changement : l'accompagner ou le provoquer. L'accompagner c'est dire une avocate par exemple, ce qui était révolutionnaire dans les années 70. 
Dans le zizi des mots, Élisabeth Brami montre et démontre que dans notre vocabulaire, si le substantif masculin représente un être, le féminin décrit une chose. Un cuisinier est un homme, une cuisinière est une femme. Un Charentais est un homme, une charentaise est une chose.
Il y a toujours plus urgent que l'égalité et interroger notre pratique des langues (français inclusif, langues régionales...) est toujours remise à plus tard. Or, si on veut changer le monde il faut aussi changer la façon dont on le décrit.
Depuis 40 ans les écolos ont un temps d'avance sur les gestes environnementaux, sont passés pour des doux rêveur-se-s, des illuminé·e·s etc. 
Nous devons avoir un temps d'avance et une position très volontariste sur la langue, ne pas avoir peur d'être critiqué·e·s et ne pas se soumettre au langage de la domination. La pratique de la langue est forcément politique. La langue est une arme puissante.

Nous devons avoir un temps d'avance et une position très volontariste sur la langue, ne pas avoir peur d'être critiqué·e·s et ne pas se soumettre au langage de la domination. La pratique de la langue est forcément politique. La langue est une arme puissante.

Changer sa propre langue

Nous sommes aujourd'hui dans un monde en pleine mutation et nous devons adapter notre langue à ce monde. Le XXIe siècle est une chance, nous avons la possibilité de tout changer, et nous avons cette liberté de le faire.
Il y a deux façons de vivre ce changement : l'accompagner ou le provoquer. L'accompagner c'est dire une avocate par exemple, ce qui était révolutionnaire dans les années 70 

Un peu d'histoire :
*6 https://www.franceinter.fr/emissions/radioscopie-par-jacques-chancel/radioscopie-par-jacques-chancel-22-juillet-2015

Provoquer le changement, c'est être volontairement en avance sur le langage courant. De même que nous sommes volontairement en avance sur la façon de gérer nos déchets, nos déplacements, nos rapports inter-personnels, nous pouvons aussi être volontairement en avance sur notre façon de décrire le monde. 

Faites l'expérience. Dans une salle où tout le monde est debout, demandez : "asseyez-vous toutes". Seules les femmes vont s'asseoir. Demandez "asseyez-vous tous". Seuls les hommes devraient s'asseoir... et pourtant tout l'auditoire va s'asseoir. Vous manquez de mot pour dire précisément ce que vous souhaitez : que les hommes, que les femmes, les hommes et les femmes.

Il s'agit pour chacun·e de trouver sa propre langue, intime et radicale et d'être compris·e·s de toustes. 

Que vous disiez tous et toutes, toustes, tou.s.t.es, touz, les gens... finalement la seule chose qui importe c'est d'avoir une observation réfléchie et cohérente de sa langue et d'être compris·e·s des autres.

L'écologie, c'est faire en sorte que tout le monde ait sa place, quel que soit son genre, sa couleur de peau, sa sexualité... Faire en sorte que chacun·e se sente inclus·e dans le discours. Car le masculin n'est pas un neutre et le masculin ne peut pas l'emporter sur le féminin.

En 2020, nous avons 2 possibilités pour refuser un langage sexiste : utiliser une langue doublement genrée (ex : "auteurs et autrices" on entend à la fois le féminin et le masculin) ou utiliser une langue neutre ("autaires" : on ne s'intéresse pas au sexe des gens)

Sur la langue neutre et inclusive :

*7 -https://www.alpheratz.fr/linguistique/francais-inclusif/

Pour le moins que l'on puisse faire 20 ans après le passage à l'an 2000, c'est d'utiliser un moyen d'inclusivité. La radicalité c'est d'utiliser une grammaire neutre du français inclusif.

On peut donc préférer l'expression "droits humains" à "droits de l'Homme", parler d'autrice et non d'auteuRE et revendiquer les mots professeuse (dit-on une coiffeuRE ?) ou amatrice. 

*8-http://www.auroreevain.com/2018/05/23/amatrice/

Car en l'occurrence il ne s'agit pas que d'une question de langue mais bien d'une question de domination. On ne rend jamais la monnaie à madame le caissier. La féminisation des noms est problématique quand on a affaire à des fonctions ou métiers supérieurs. 

*9-https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/lacademie-francaise-accepte-de-feminiser-des-noms-de-metier-2075274

La féminisation des noms est toujours un problème de plafond de verre, de hiérarchie sociale. *10- http://www.adequations.org/spip.php?article2436

Alors oui, il faut se montrer inventifves ou inventif & inventives, inventitz (prononcer inventitsse) comme vous voulez pour dire, parler, expliquer notre féminisme (plutôt intersectionnel et libertaire) qui n'est pas celui (judiciarisé et cosmétique) de la REM. Ne leur laissons pas le créneau de l'Egalité ! 

Quelques propositions sur les questions de langue et d'inclusivité de la langue (4, 27, 32, 34):

 *11 https://feminisme.eelv.fr/2020/03/03/elections-municipales-2020-45-propositions-pour-legalite/

Oui, une langue vraiment inclusive pour vraiment aller vers plus d'égalité réelle est un chemin plein d’embûches et on commet toustes des impairs ponctuels. Mais nous avons la possibilité de montrer la voie, à nous de voir et de faire entendre notre voix!

Changer la langue des collectivités

Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe : *12http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pratique-_vf-_2015_11_05-3.pdf

La communication publique est donc un outil puissant en faveur de l’égalité Femme-Homme.

Trop souvent encore la communication publique, et bien plus encore la publicité, reproduisent et renforcent les stéréotypes à l’encontre des femmes. 

Argumentaire pour répondre aux virilistes effrayés.

- L’argument d’utilité : « C’est une question accessoire » 

La langue reflète la société et sa façon de penser le monde. Ainsi, une langue qui rend les femmes invisibles est la marque d’une société où elles jouent un rôle second. C’est bien parce que le langage est politique que la langue française a été infléchie délibérément vers le masculin durant plusieurs siècles par les groupes qui s’opposaient à l’égalité des sexes.

- L’argument du masculin générique : « Le masculin est aussi le marqueur du neutre. Il représente les femmes et les hommes » 

En français, le neutre n’existe pas : un mot est soit masculin, soit féminin. 

Et d’ailleurs, l’usage du masculin n’est pas perçu de manière neutre en dépit du fait que ce soit son intention, car il active moins de représentations de femmes auprès des personnes interpellées qu’un générique épicène. C’est tellement courant que nous en avons à peine conscience. Cette problématique pourrait être mise en parallèle avec l’histoire du suffrage universel. Le masculin n’est pas plus neutre que le suffrage n’a été universel jusqu’en 1944. 

- L’argument de la lisibilité : « Cela encombre le texte » 

Au contraire, l’usage du féminin clarifie un texte puisqu’il permet de comprendre qu’on y évoque aussi des femmes ; cela évite au contraire d’avoir à le préciser de manière explicite. D’autre part, la réintroduction des termes féminins raccourcit les énoncés: «femme auteur», «femme ingénieur», «femme poète» sont des périphrases qui prennent plus de place qu’«auteure», «ingénieure», «poétesse»... Enfin, les femmes «n’encombrent» pas un texte. 

- L’argument esthétique: ««Écrivaine», «pompière», ce n’est pas beau! » Le fait de systématiser l’usage du féminin est d’abord une question d’habitude. 

Ce n’est pas une question d’esthétique, car aucun mot n’est beau ou laid en soi. 

Les arguments contre ces usages sont souvent irrationnels. L’ouvrage La Grammaire en folie de Brigitte BLOCH nous remémore ainsi un énoncé de Bertrand POIROT-DELPECH, Académicien, invité de Bernard PIVOT dans l’émission « Bouillon de culture » : « C’est le vaine d’écrivaine qui me gêne », feignant ne pas entendre que le mot « écrivain » contient l’adjectif « vain ». 

Les noms de métiers au féminin « dérangent » car ils traduisent le fait que des terrains conçus comme propres aux hommes sont investis par des femmes.(et dérange aussi nos habitudes). changer, pourquoi changer alors que tout est parfait ?  Il y a une peur du changement , et de fait une normalisation de l'état présent en tant qu'etat normal.

-L’argument du prestige : «Les femmes elles-mêmes nomment leur métier au masculin »

Ces femmes ont parfaitement compris les messages envoyés par ceux qui ont fait disparaître les termes féminins et ceux qui aujourd’hui les disent impropres ou inconnus, leur signifiant que, supposées inférieures, elles n’auraient rien à faire sur leur terrain. Et nous ne pouvons d’ailleurs pas blâmer ces femmes « transfuges », qui transgressent des normes en intégrant des secteurs majoritairement occupés par des hommes, de chercher à se fondre dans les usages leur préexistant. Mais cela est dommage, car l’usage du féminin pour leur nom de métier par exemple ne diminue pas leurs compétences. De plus, ces femmes sont des pionnières et peuvent jouer un rôle important de modèle pour les générations à venir. 

- L’argument de l’homonymie : « On ne comprend plus le sens des mots ; traditionnellement « la préfète » désigne la femme du préfet » 

La « préfète » désigne en effet deux personnes différentes. Mais ce problème ne peut être résolu en conservant des formules désuètes, correspondant à une société où, lorsqu’une fonction prestigieuse était interdite aux femmes, le féminin désignait l’épouse. Les métiers concernés par ce problème, comme « préfète » ou « ambassadrice » sont aujourd’hui ouverts aux femmes. En 2014, 15,7% des préfet.ète.s sont des femmes. Par ailleurs, se pose-t-on la question de savoir si la nomination de leurs époux (« Monsieur le préfet » ?) concurrence les hommes exerçant ce métier ? Et que faire si « Monsieur le préfet » est marié à un homme ? Les usages langagiers doivent s’adapter aux usages sociaux. 

 Il nous faudra aussi penser la vulgarisation de termes peu efficaces car arides : égaconditionnalité, intersectionnalité, adelphité, sororité etc (il y en a beaucoup). On s'attachera à actualiser régulièrement les courants féministes, afin que personne ne puisse se planquer derrière des "trop intellectuel, indigeste, incompréhensible, verbiage"... Le féminisme comme l'écologie doit être populaire dans ses définitions comme dans ses actions.